Activités picturales

de l’atelier de L’Arche

Dessin et peinture

La diversité des activités qui se déroulent pendant un quart de siècle dans l’atelier du 22, rue Notre-Dame Est se trouvent résumées, dès le départ, en la personne du créateur du lieu, Émile Vézina, peintre, poète, mélomane et auteur dramatique.

Émile Vézina (Vir), rêvant de troquer la caricature contre la peinture, Le Nationaliste, 26 juin 1910, p. 4.

Vézina peint les tableaux qu’on lui commande ou pour lesquels il offre ses services : portraits d’officiels ou de bourgeois, scènes religieuses, copies de tableaux célèbres, certaines beautés féminines qui le séduisent ou athlètes dont le torse puissant l’inspire… À partir de 1908, il produit de nombreuses caricatures qu’il publie hebdomadairement dans Le Nationaliste sous le nom de Vir. À l’occasion, il donne des leçons de dessin et de peinture, et c’est ainsi que le jeune Joseph Jutras de quatorze ans, futur membre du groupe de la Montée Saint-Michel, découvre l’atelier du 22, rue Notre-Dame et prend contact pour la première fois avec un artiste professionnel.

Il est plus que probable qu’Albert Ferland, Edmond-Joseph Massicotte et Louis-Adolphe Morissette, se soient invités chez leur voisin du dernier étage pour apprécier – et partager – son espace si bien aménagé. Plusieurs autres artistes ont entendu parler de ce vaste atelier, et alors, soit que Vézina les invite à travailler avec lui, soit qu’il les laisse investir les lieux lors de ses fréquentes absences. C’est ainsi que Marc-Aurèle Fortin et Jobson Paradis seront de passage sous les combles du 22, rue Notre-Dame.

Au moment où le groupe littéraire la Tribu des Casoars prend possession des lieux,  en 1913, c’est d’abord pour offrir un atelier à leur ami Philippe La Ferrière, étudiant aux Arts Décoratifs. Bientôt, au centre de l’atelier, trôneront deux tableaux : le premier, de La Ferrière, représentant le casoar à casque, cet oiseau exotique qui est l’emblème de la Tribu et l’objet de leurs rituels fantaisistes, et le second La Beauté victorieuse du Temps de Charles Gill, apporté là par Roger Maillet qui l’avait « emprunté » à la collection de son père. Mais tout autour, les murs de l’atelier restaient couverts de dessins, de gravures et de peintures de tout format, laissés là par les artistes qui ont transité par ce lieu. Si, les galas que produisent les Casoars ne comportaient pas de volet pictural et si nulle exposition, nul accrochage particulier ne semble avoir été à leur programme, deux exceptions toutefois se détachent du groupe : Isaïe Nantais, illustrateur, adepte du dessin à l’encre, et Roger Maillet, peintre et graveur. Outre maints dessins personnels qui indiquent une nette tendance vers le fantastique, Nantais exécutera un croquis fouillé de l’intérieur de L’Arche. Quant à Maillet, il peindra des tableaux cubistes – rien de moins – et s’adonnera à la gravure sur linoléum.

Isaïe Nantais, L’Arche, 23 avril 1917, encre sur papier, 18 x 21 cm (hors tout) [archives CRALA] « Quelques meubles, une bibliothèque, des estampes, des gravures, des tableaux, des pochades, des aquarelles, une lampe arabe, une recherche du pittoresque qui se révèle partout, voilà l’Arche », Pierre Dalbec [Ubald Paquin], « Figurines, un volume de vers de M. Édouard Chauvin », Le Nationaliste, 29 septembre 1918, p. 2.

Roger Maillet, Dame de cœur, huile sur carton, 35,5 x 46 cm (coll. part.) « Roger Maillet, le gentil poète, ce cousin de Guillaume Apollinaire par l’ironie et le souple talent, nous racontait les auteurs du Chat Noir et du Lapin Agile, peignait des toiles cubistes (qu’ignorent les historiens d’art canadiens !) », Jean Chauvin, Ateliers (1928), p. 103.

Le peintre Charles Maillard, d’origine française et qui sera directeur de l’École des beaux-arts de Montréal pendant vingt ans, est présent aux sixième et septième galas de L’Arche, en mai et juin 1917, ainsi que ses amis, les frères Odilon et Placide Morency, marchands d’art dont la galerie se trouvait rue Sainte-Catherine Est. Et puis, comme pour un retour aux sources, lors du gala de juin, on relève la présence de nul autre qu’Émile Vézina, qui avait peut-être la nostalgie de son ancien atelier, devenu un lieu expérimental de musique et de poésie, toutes choses qu’il portait en lui et chérissait…

Par ailleurs, on ne saurait dire à quelle fréquence les frères Henri et Adrien Hébert, fils du sculpteur Louis-Philippe Hébert, ont passé par l’atelier d’Émile Vézina où leur présence est pourtant avérée. En 1906, au Conseil des arts et manufactures, le jeune Adrien Hébert avait pour compagnons de classe le non moins jeune Charles Maillard qu’il croisera sinon à L’Arche du moins à la galerie Morency où les tenanciers exposaient également les œuvres de Vézina.

Lucien Parent, Un coin de L’Arche, 1918, encre et gouache sur carton, 14,7 x 13 cm (archives CRALA) « Ils travaillaient avec patience et modestie, n’ayant qu’un coin de ciel, à travers la fenêtre à carreaux, pour baigner d’idéal et d’au-delà leur “âme solitaire”, et vous les arrachez de vos mains sacrilèges de la table où, à la lueur de la lampe amie, ils pleuraient leur rêve », Édouard Chauvin, « La querelle autour du régionalisme », La Minerve, 22 mai 1920, p. 2.

En 1909, Marcel Dugas et René Chopin, membres du cercle universitaire Le Soc et futurs adeptes de L’Arche, avaient participé à une visite de groupe à l’atelier de Louis-Philippe Hébert, au 34, rue Labelle, où étaient présents ses fils Henri et Adrien, et l’année suivante, Henri Hébert avait prononcé devant le même cercle une causerie sur l’art.

Le temps d’un croquis, destiné à la couverture du recueil Figurines d’Édouard Chauvin qui paraîtra en 1918 et qui célèbre la bohème du Quartier latin et les « bons zigues » de L’Arche, Lucien Parent, alors étudiant en architecture, met les pieds dans l’atelier de la rue Notre-Dame, amené là sans doute par Marcel Dugas dont il courtise déjà la cousine Florence Courteau qu’il épousera en 1921.

De 1922 à 1929, alors que le lieu est exclusivement aux mains des peintres de la Montée Saint-Michel, seul l’art pictural y est à l’honneur. Certains dimanches, le groupe s’y retrouve, détermine le trajet de son excursion et partage les dépenses s’il y a lieu. S’il fait mauvais temps, on peint en atelier, avec modèle autant que possible. Si on en juge par le portrait que fit d’elle Émile Vézina, Elzire Giroux (dite Billie), sœur aînée des comédiennes Antoinette et Germaine Giroux, fut un des modèles les plus assidus de L’Arche car elle apparaît sur plusieurs tableaux réalisés par Ernest Aubin et on la reconnaît sur plusieurs photographies prises dans l’atelier. D’autre part, lorsqu’il est seul, Aubin fait venir son modèle préféré, Irène Lussier, qui pose nue. Certains modèles masculins – mais plus rares – posent également pour Aubin. Mais sauf les huit membres du groupe et de rares amis proches, peu d’invités ont accès à l’atelier, Ernest Aubin, le locataire des lieux, veillant à ce que la trappe qui y donne accès soit soigneusement verrouillée.

Artiste non identifié peignant un modèle non identifié (peut-être Elzire Giroux) à L’Arche, 1922, photo prise par Ernest Aubin (archives CRALA)

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